La mise à l'honneur du vendredi

Mme Oulevey, maîtresse enfantine.

Vevey 1965

 J'ai 4 ans et trois mois quand la nouvelle année scolaire qui commence en mars, débute. J'aurais 5 ans révolu en décembre 65

Je suis si frêle et petite que lorsque le vent s'engouffre dans mon manteau, il me soulève et un peu. J'ai déjà essayé de prendre le train toute seule pour aller chez ma grand-maman qui habitait chez une de ses amies à Lausanne, probablement grondée par mes parents qui n'étaient guère patients avec moi.

L'école est gigantesque pour moi. Je me souviens de ma place au centre de la classe et de la beauté de ma maîtresse qui me faisait rêver.

3 mois plus tard, dernière semaine d'école avant les grandes vacances. Je batoille.

Plume,  qu'as-tu d'intéressant à dire ?
- je disais que demain après-midi, on a congé à cause des joutes sportives des grands.
- ah et comment le sais-tu ?
- c'est marqué là, dis-je en montrant d'une part le tableau noir et une feuille scotchée sur la porte de la classe.
- ah bon ? Tu es sûre ?
- oui !
- sais-tu ce qu'est une joute sportive ?
- heu.... Non !
- Bon, je vois que tu sais très bien lire.
Elle me donne la lecture du jour des 2 P. Saurais-tu me lire ceci ?
Moi de lire le texte en buttant parfois sur des oins, des ongu et des lettres muettes... c'est la toute première lecture que je fais à voix haute.

A ma grand-maman qui revient me chercher à midi:
Plume sait lire, elle a appris toute seule en faisant en plus de ses activités et discrètement, les exercices donnés au tableau  aux plus grands de la classe.

Le lendemain matin, ma place avait changé et j'étais en bordure du groupe des des 2 P et considérée comme telle pour le reste de l'année.  Fierté, reconnaissance, estime pour cette maîtresse qui a su très simplement m'encourager à grandir.  Je retiens de cette adorable maîtresse enfantine, sa joie de vivre et de tirer vers le haut ses élèves, sa douceur et ses encouragements en plus de sa beauté de blonde au yeux turquoise.  C'est à elle aussi que je dois le tout premier signalement de négligeance de mes parents aux autorités.
Mon premier livre privé fut Les malheurs de Sophie reçu de ma grand-maman adorée.

Je n'ai aucune idée de comment j'ai appris à lire. Il me semble que mon sentiment très flou aujourd'hui  était que c'était important si on voulait être grande,
C'est tout.

Il est mentionné dans mon dossier de placement, que je maîtrisais la lecture dans le 1er trimestre de 1P. Comme quoi mes souvenirs de cette époque sont encore très précis. Cette histoire je l'ai racontée à mes enfants bien avant d'avoir ce dossier en mains...

Plume 4 ans.

P.S. Pour les français qui me suivent. En Suisse l'école enfantine commence à 4 ans révolu, la lecture est souvent maîtrisée parfaitement vers 6-7 ans. On ne force pas les enfants avant, on fait de la prélecture, des reconnaissnces de mots ou de graphème.  Bien des enfants apprennent à lire plus vite, je ne suis donc pas une exception. Ce qui reste exceptionnel, c'est que j'ai fait cet apprentissage à l'insu de tous , très vite, et seule, si l'on excepte que j'étais dans une classe à deux nivaux.